Que l’on aime ou pas Jean-Luc Mélenchon, il est probablement la cible la plus médiatique aujourd’hui de l’instrumentalisation de l’appellation « antisémite ». Quiconque dénonce la responsabilité du gouvernement israélien actuel formé en coalition avec l’extrême droite, dans cette escalade de la terreur, est aussitôt catalogué d’antisémite. Est-ce que la liberté d’expression existe quand il n’est plus permis de s’opposer à un pouvoir d’extrême droite présent dans une grande majorité des médias ? Est-ce que cette intimidation systématique nourrit l’escalade dans ce conflit désormais mondial ? « On peut soutenir le peuple palestinien sans pour autant être antisémite », a rappelé Dominique de Villepin en novembre 2023 sur LCI, alors que le compteur des morts palestiniens n’avait pas autant grimpé, et la libération des otages israéliens après le carnage du Hamas était encore le sujet. On peut aussi soutenir que la parole des palestiniens répartis dans le monde est étouffée, réduisant les voix qui forment le terreau d’une identité palestinienne au seul Hamas.
Evidemment, ces condamnations à tous azimuts ôtent toute signification au terme et évoquent l’époque du maccarthisme où tout soupçon de déviance était propice à une annulation pure et simple, ou encore quand une instance religieuse servait ses propres intérêts en invoquant une valeur morale frigorifiant toute pensée discursive.
Les actes antisémites augmentent depuis le 7 octobre. Même si tant de polémiques inutiles telle celle de Science Po rend les vrais actes antisémites de plus en plus caduques tant il est devenu difficile de séparer le vrai du faux. Comme le pointe Sihem Zine, responsable de l’association Action Droits des Musulmans, les actes anti-musulmans sont largement sous évalués – on s’en doute, simple question de bon sens. « Six millions de musulmans en France et seulement 140 actes racistes à leur encontre ? C'est impossible. Rien que nous, on en relève beaucoup plus. » Alice Murgier, responsable juridique de SOS Racisme estime que « La libération d'une parole raciste à la télévision et sur les réseaux sociaux influe beaucoup sur le nombre d'actes ». L'ARCOM a été saisie récemment pour des déclarations de l'éditorialiste Pascal Perri sur LCI évoquant un « antisémitisme couscous », ce dont il s'est excusé par la suite sur X. Aujourd’hui les paroles racistes se multiplient avec une aisance somptueuse dans les médias tandis que les actes antisémites ou antimusulmans deviennent difficiles à retenir, définir. Et même compter. La qualification de Rachida Dati de « petite beurette qui a réussi » par l’éditorialiste du Figaro Yves Thréard est un exemple éloquent de cette aisance avec laquelle la parole se libère.
Comment les voix anticolonialistes sont étouffées sous couvert d’antisémitisme ou encore d’atteinte à la sécurité ? Sur ce terrain, les exemples abondent… Il y a ceux qui perdent leurs contrats en raison de leur soutien à la Palestine comme en a fait l’expérience la mannequin palestinienne Bella Hadid aux Etats Unis. Plusieurs acteurs du cinéma hollywoodien en ont fait aussi les frais : une véritable chasse aux sorcières sévit de ce côté-là. Le monde littéraire français, lui, est mutique, à part quelques rares comme Valérie Zenatti qui s’improvise conseillère en stratégie Tunnel du Hamas. Dans le vaste monde culturel en France, on traverse la même phase de dénégation que pendant la seconde guerre mondiale. Une majorité d’acteurs de la culture et d’associations se remettent au travail tous les matins mais le travail d’épuration idéologique a non seulement démarré depuis longtemps mais continue à dérouler ses actes un à un. L’appel à la lutte contre l’antisémitisme portée par Aurore Bergé est proprement, absolument, terrifiant. Elle a annoncé que le gouvernement passe « au crible » les déclarations liées à l’attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre (d’ailleurs aucun jeu de société « Etes-vous pour ou contre le Khamas » n’a encore été lancé, étonnant !) de toutes les associations féministes pour leur retirer leur subventions en cas d’ « ambiguïté ». On peut imaginer qu’une association qui ose se demander si ce cruel bain de sang aurait pu être évité depuis que les colons israéliens sans répit chassent les Palestiniens de leurs terres s’expose à de lourdes peines. On imagine sans peine qu’avec de telles pratiques, le Ghandi palestinien traine (ou trainait) quelque part à Gaza.
Une remise de prix littéraire à la romancière palestinienne Adania Shabli à la foire de Francfort a été annulée, annulation qui a créé une vive polémique dans le milieu littéraire que je fréquente – soit une toute petite communauté de la taille d’un grain de riz. Guillaume Meurice a même reçu des menaces de mort pour avoir fait une blague sur Benjamin Netanyahu. Il a été traduit en justice et a écrit depuis un livre pour raconter cette histoire rocambolesque mais inquiétante dans cet état policier digne d’un gouvernement d’extrême droite. Et l’histoire n’est pas finie puisque l’historienne Ludivine Bantigny a indiqué récemment sur X que « La rabbin Delphine Horvilleur lance un appel à la censure: il faudrait "circoncire le temps d'antenne" de G. Meurice. »
Incriminer Le Pen et Zemmour aujourd’hui est d’un comique sans précédent tant ce minuscule noyau est noyé dans une arène de fauves déchaînés. Les blagues de Charlie Hebdo (ou ce qu’il en reste…) sont défendues bec et ongle, mais attention au pays de Voltaire, il faut défendre la liberté d’expression avec deux poids deux mesures. Coco, oui (parce que les rites du monde musulmans peuvent et doivent être régulièrement moqués même si le sujet est la famine). Meurice, non (parce qu’antisémitisme).
Et bien sûr, personne pour rappeler à côté que l’auteur du “Traité sur la tolérance” arrêté, emprisonné et exilé en Angleterre, a aussi subi un muselage forcé par ses compatriotes nobles – il existe des voyous à collerette blanche à toute époque.
Nous sommes tous d’accord pour dire que le savoir et la religion marchent de pair. Les universités palestinienne détruites alors que l’Iran pas loin enflamme les foulards ? Personne pour en parler... Un détail… Non la volupté – ce grand scandale alors que plus personne ne parle d’amour et que les procès pour abus de pouvoir et non consentement s’empilent. #Jesuisaplatie.
Guerre de civilisation, dites- vous ? Alors que c’est de démocratie qu’il s’agit sur notre sol. Oui, la démocratie a totalement déserté nos institutions. Nous subissons la censure du pouvoir en place qui joue avec les mots, manipule l’opinion, et joue avec les lois. Et le « wokisme », ce terme grandiloquent pour nommer le MAL ? La violence semée est doublée d’une violence devenue impossible à contenir. La révolution française n’est visiblement plus enseignée, fêtée elle l’est : l’évènementiel, cet enfumage encore. Le « wokisme » à l’heure où la volupté est chantée par les nantis est la réponse d’une jeunesse sans espoirs. La censure de tous bords a toujours existé. La censure la plus violente aujourd’hui n’est pas celle qui est la plus médiatisée. La révolution française est un wokisme comme un autre, elle fait juste rouler des têtes à tour de bras au lieu de défigurer des œuvres. Le wokisme est une révolution un peu civilisée, réjouissons-nous…
L’épisode le plus étonnant reste celui de Zineb El Rhazoui dont le prix Simone Veil a été annulé. C’est le petit-fils de la survivante de la Shoah qui a interpelé Valérie Pécresse pour exiger ce retrait après le renvoi d’un message sur X pas à leur goût. On ne peut que s’étonner de la déchéance de cette journaliste de Charlie Hebdo tant célébrée. Cette journaliste pourtant saluée pour son combat inlassable contre l'islam radical. Et maintenant nous n’avons plus que Fourest, autre voyou en col blanc, qui défend la laïcité… L’occasion de rappeler que si le féminisme consiste à reproduire ce que Monsieur Phallus voyou fait, alors on a largement perdu la bataille.
Quel pays représenter avec son drapeau aux jeux olympiques ? Encore une polémique qui ne fait que commencer pendant que le carnage continue… La question de la sécurité devient de plus en plus celle qui sera au centre de mon intérêt pendant ces JO tout en étant occultée par les médias… Jusqu’à ce que des islamistes nous rappellent qu’ils existent. Et la Fourest viendra nous expliquer, la laïcité, les fondamentalistes, etc.
Merci les cracheurs de feu.
On assiste évidemment de la part de ceux qui brandissent la pancarte “Antisémite” dévoyée un appel au sens de la nuance. Le fameux en même temps qui regarde toujours dans la même direction. Devrait-on s’en étonner ? Pas vraiment tant nous sommes coutumiers aux injonctions démagogiques – rassurer le bon citoyen assis au fond de son canapé, et éventuellement lui indiquer quoi acheter pour mettre en joie sa jolie bibliothèque d’apparat. Le sens de la nuance a donc le vent en poupe, chanté avec des élans d’un lyrisme douteux.
Les mots énoncés sans honnêteté intellectuelle permettent à chacun de rallier un camp avec une accusation qui attise la haine, pendant que la carte de colonisation d’Israël avec ses check points, barrières, trous, et codes de couleurs circule dans ce grand boulevard de la haine. Attisée par qui ? Le peuple ? Non, le peuple absorbe les dogmes infusés avec une persévérance rare dans la majorité des médias bollorisés, pendant que les chaines publiques soignent leur Audimat, donc prolongent aussi le travail de Bolloré. Le peuple est occupé à payer son chauffage, à remplir difficilement son panier dans un contexte d’inflation sans précédent. Le reste du temps, il se divertit avec Hanouna et se rendort en se disant que si tout va mal, c’est à cause de l’Arabe. Mais attention, l’Arabe est invité de manière périodique, avec le bon discours : les RS c’est mal, le terrorisme tue, la volupté physique c’est bon (pour qui en doute), le vin c’est délicieux (pour qui a le temps de le savourer), l’antisémitisme c’est mal (pour qui regarde dans la direction du mal dé-nommé), le racisme est péché (mais on ne fera rien pour réduire son expansion). Le Miam Banania de la pub de Cacao avec sa tête remplie de bienveillance s’étale partout – d’ailleurs il a un peu perdu de sa tête de noir africain : il a un look un peu plus arabe. Voilà qui est de bonne augure pour la suite. Faut une cible de toute façon, et la cible ce ne sera encore une fois pas les riches malgré la croissance des inégalités partout. C’est l’Arabe, le fautif.
Il faudra pourtant bien que cesse cette instrumentalisation du mot à tout détruire pour les dizaines de milliers de juifs dans le monde et en Israël qui ne souscrivent pas aux massacres commis à l’encontre du peuple palestinien. Pour que les musulmans et juifs qui partagent tant de rites ne soient plus montés les uns contre les autres. Pour que l’on se souvienne que l’histoire de l’Occident ne se limite pas aux croisades et à la grandeur médiatique des philosophes de plateaux de télévision. Pour reprendre une phrase du créateur de la collection « Terre humaine », j’ai nommé l’ethnologue et écrivain Jean Malaurie : « L’intelligence est une morale sinon on est comme Abel Bonnard on est un voyou. » Et les voyous en col blanc aujourd’hui ne sont pas la banquiers contrairement à ce que les médias nous font croire. Il y a plus de contrôle chez les banquiers que chez les propagandistes des plateaux de télévision. Les BHL, Enthoven, Caroline Fourest, Aurore Bergé, Habib Meyer, sont les vrais voyous en col blanc. Ceux qui attisent la haine et éloignent tous les jours un peu plus une paix possible. Ceux qui aident les vrais antisémites à prospérer dans un chaos total, où plus aucun mot n’a de sens. Ceux qui nourrissent le racisme. Ceux qui jettent les yeux sur les intégristes musulmans tout en ignorant les fanatiques qui servent leurs propres intérêts. Ceux grâce à qui l’intégrisme musulman recrute, sert de refuge à toute une frange de la population dans un monde qui assiste effrayé, à ce deux poids deux mesures Ukraine/Palestine. Dépasser les dogmes de son propre camp pour s’unir est relativement impossible pour tous ces voyous, surtout les plus vieux qui voient le déclin de leur propre idéologie et s’accrochent encore au pouvoir médiatique, continuent à polluer les plateaux de télévision et radio – pendant que des plus jeunes, heureusement, se mobilisent. C’est comme ça qu’une révolution technologique et sociétale s’opère à chaque fois. C’est normal. L’équilibre viendra – note d’optimisme. Le savoir circulera. Les Palestiniens sont très cultivés, et leur retirer les universités en les bombardant ne fera que décupler leur appétit pour le savoir. Et quelques Arabes continueront à se mobiliser malgré tout pour faire barrage aux Musulmans extrémistes, pendant que d’autres rêvent d’une prolongation de l’époque des croisades.
J’ai une autre bonne nouvelle. L’appel des couleurs. La libido des artistes se charge, de jaune, de rouge, une pincée de Soutine par-ci, un bloc de Picasso par-là, un blanc de Plomb de notre cher Léonard de Vinci en surplomb. Turner et son apocalypse now où le soleil brûle, Joaquin Sorolla et sa blancheur déformable distillent nos sens. La science de l’œil de l’artiste perce la mer de sang, puisque mer de sang il y a. Où et comment ? L’avenir nous le dira. Il y a dans l’art matière à nous nourrir, pour que tout discours froid récolte mépris et dédain. Les cartes trouées par les occupations israéliennes, les nombreuses sources d’eau détournées, les checkpoints, les grandes étendues de sable fin où le corps d’un chameau déambule avant de finir la gueule ouverte (l’objet de mon prochain article) devant une touffe d’herbe arrachée sont en train de modeler ardeur et magnificence dans quelque atelier secret. Personne ne bâillonnera qui que ce soit. Le corps déchaîné et la rage de vivre l’emporteront.
« Le peintre, s'il suit les philosophes, il risque la folie, s'il suit les puristes il risque le mensonge, mais il restera sain s'il prend un coloriste par la main » John Ruskin dans « Les peintres modernes » paru en 1843
Il va sans dire que je souscris à cette parole saine. Le frisson de la liberté reviendra, pas le frisson de la liberté organisée, non, mais celui que notre œil, notre cœur et raison commandent.
Tableau : Mother - Joaquín Sorolla
Note :
Photo en illustration : Mother - Joaquín Sorolla - 1895, tableau sublime exposé au Musée Sorolla de Madrid, ville où j’ai eu le plaisir de travailler jadis.
NB : Si vous appréciez cet article, n'oubliez pas de le marquer d'un joli cœur et de le faire circuler.
Article très documenté où j'ai beaucoup appris, je le relirai prochainement à tête reposée, merci Rita.